
L’engagement avec d’autres, pour d’autres, sauve du malheur d’être seul.»
Depuis des mois gronde en moi une révolte croissante face à ce que subissent les étudiants. Certes, le premier confinement était compréhensible, et relativement bien accepté par tous, malgré l’interdiction de reprendre les cours en présentiel en fin d’année dans le supérieur (alors que les lycées et collège ré-ouvraient leurs portes dans des modalités aménagées). Fin octobre, l’enseignement supérieur (à l’exception des classes préparatoires aux grandes et écoles et des BTS) se voyait remis en formation à distance. Alors que les commerces ouvraient à nouveau courant décembre, les étudiants se sont vus interdire l’accès à leurs établissements avant au mieux le 5 février. Le spectre d’un 3e confinement met la population étudiante au risque de rester confinée encore et encore.
L’apparition du hashtag #EtudiantsFantômes permet d’entendre la détresse croissante et très inquiétante de nombreux étudiants : décrochage massif des études, dépressions, angoisses, idées suicidaires, paupérisation de ceux qui ont besoin d’un petit job pour s’assumer, souvent dans la restauration … En un an, ils auront au mieux bénéficié d’un mois et demi de cours en présentiel ! Chacun cherche à faire au mieux, mais lorsque les journées se suivent entre cours en visio caméra éteinte (quand ce n’est pas juste un support de cours à lire), repas seul dans une chambre d’étudiant, et confinement le soir, il est difficile de tenir la durée, de rester mobilisé. Surtout quand on n’a pas eu le temps de se faire des amis, un réseau.
Oui, j’ai mal à nos étudiants. A tous nos étudiants, quelques soient leurs écoles, leurs universités.
Quid du confinement à l’IFF Europe ?
A l’IFF Europe, comment vivons-nous cela ? Nos étudiants nous disent leurs difficultés, personnelles, familiales, scolaires face à cet isolement forcé. La reprise sur le même mode en janvier a été très éprouvante. Et pourtant, sur 129 jeunes, nous n’avons à déplorer aucun décrochage lié à cette situation. Il n’y a rien de magique à cela, juste quelques éléments pour lesquels nous mettons toute notre énergie. Adaptation des emplois du temps pour limiter la durée des visio, cours le plus participatif possible, caméra ouverte pour tous pour permettre de se voir et d’être ensemble, accompagnement individuel et de groupe régulier (et pour ceux qui sont fragilisés, un suivi plus proche et parfois une mise en relation avec un thérapeute). Nous privilégions aussi les travaux qui mettent les étudiants en groupe de travail, même à distance. Toujours favoriser le lien, l’échange, le travail collectif. C’est essentiel. Et puis, avec réalisme mais espérance, rester tournés vers un avenir possible. Nos étudiants partent en stage, et presque tous ont trouvé un organisme d’accueil, ce qui marque une vraie solidarité intergénérationnelle dans la société (dans laquelle parents et anciens étudiants ont aussi joué leur rôle). Et puis bien sûr, nous tenons avec eux les projets de solidarité de fin d’année, lieux d’engagement au service d’autres, essentiellement en France cette année. De toutes nos forces, face au repli sur soi provoqué par la situation, relier, soutenir, accompagner, et encourager à s’engager. Car l’engagement avec d’autres, pour d’autres, sauve du malheur d’être seul.